Le portrait m'a pris par surprise.
J'envisageais de peindre l'Inde,
quand j'ai fait un autoportrait,
puis le portrait de mon père.
A l'huile sur toile de jute, avec objets.
Toile de jute trouvée dans les granges, les moulins,
Toile de jute porteuse de graines, de céréales, d'engrais,
Toile de jute porteuse de fécondité à mes yeux
Grossière, rugueuse, souvent ravaudée, crevée, rongée,
Mais tellement vivante, terreuse, hymne brun à la terre,
Toile de jute paysanne marouflée sur toile
A ce moment-là j'ai compris que je devais tout lâcher
Pour me confronter aux visages.
Remonter aux racines de ma vie à travers les visages.
Arbre de vies
Arbre de visages.
Nous venons de tant de visages.
J'ai compris que je devais me poser la question
De qui suis-je fait ? en peignant les têtes de ceux qui m'ont fait
Mes parents, mes maîtres, mes amours, mes amis
De ceux qui m'ont élevé
De ceux
Musiciens
Poètes
Cinéastes
Philosophes
Sages
Ceux que j'appelle
"Les Grands Ascenseurs"
J'ai ressenti l'appel de leurs figures emblèmatiques
Peindre Saint-François et sa nichée d'oiseaux
Peindre Nietzsche et sa moustache métallique
Peindre Rimbaud et ses semelles tachées
Peindre le regard de mes amis, un à un.
Pendant deux ans, subjugué par les visages.
Ci-dessous : Saint-François (détail) huile sur toile de jute, nids et niches.
Collection particulière (Bourg-la-Reine)