Retournant vivre au jardin

                  jeune, déjà mon tempérament ne s'adaptait guère au monde
                  ma nature originele aimait les montagnes
                  par mégarde j'ai été pris dans les filets du monde de poussière
                  treize années durant je me suis absenté
                  mais l'oiseau dans la cage a la nostalgie de son ancienne forêt,
                  et le poisson dans le bassin songe à la gorge profonde d'autrefois
                  maintenant je défriche la terre au sud
                  entretenant ma rudesse, je suis retourné au jardin et au champ
                  le terrain où je demeure est grand d'une dizaine d'arpents,
                  ma chaumière a huit ou neuf pièces
                  un orme et un saule abritent l'arrière toit,
                  une pêcher et un prunier sont disposés devant la salle de séjour
                  obscure, indistinct, un village au lointain
                  les fumées du hameau, légères, s'élèvent
                  un chien aboie dans une allée profonde
                  un coq chante au sommet d'un mûrier
                  dans la cour de la maison nulle poussière, nulle souillure
                  dans la chambre dépouillée abonde la quiétude
                  longtemps j'ai été enfermé dans une cage
                  enfin je retourne à la nature.

Poème de Tao Yuan Ming
(traduit par Cheng Wing Fun et Hervé Collet, éditions Moundarren)